"La Turquie - Anatolie du Sud Est"

Durée : 7 jours, du 24 au 30 Juin 2024, distance : 1200 Kms

24 Juin, Adana et Kastabala Hierapolis

A midi nous arrivons a Adana, la grande ville de la region. Un arret s'impose pour voir la mosquee Sabanci en passant par l'ancien pont Romain.

La mosquée Sabanci est recente : 1998. Elle a ete construite avec 6 minarets comme les 6 piliers de la foi, de 99 metres de haut comme les 99 noms d'Allah.

Sa surface est de 6666m2 en reference aux 6666 versets du Coran. Et tant pis si ca fait des metres carrés inutiles...

2h de route (merci a Google Maps qui nous a fait prendre de la piste) et nous sommes a Kastabala Hierapolis, une tres ancienne cité, dont certains vestiges remontent a la prehistoire. Un temple Hittite y a ete recemment decouvert, les archeologues creusent encore... C'est un site peu connu pour le moment, acces gratuit, et ruines pour nous tout seuls. Une belle allee bordée de colonnes nous guide vers un chateau du royaume Armenien de Cilicie.

Le theatre est en cours de fouilles. Il est complet a 80%.

Le mur de scene etait decoré de masques de comedie et de tragedie.

25 Juin, Karatepe et Gaziantep

Nous aurions aimé dormir a Kastabala sur le parking mais les gardes refusent. Nous roulons donc encore une petite heure vers le Nord pour dormir sur le parking de Karatepe, une ville Hittite, que nous visitons le lendemain. Enfin, plutot Hittites sur le declin, neo-Hittites, puisqu'elle date de -900 a -800 alors que la capitale des Hittites a disparu vers -1200. Murailles bien epaisses pour tenter de durer, mais loupé : ils ne feront pas long feu.

2 portes permettent de passer la muraille, et elles sont decorées comme aiment a le faire les Hittites, avec des lions, des sphynx et des bas-reliefs de grande taille.

Les archeologues ont eu la bonne idée de les garder sur le site plutot que de les envoyer dans un musée. Des hieroglyphes Luwian recouvrent les panneaux. Une stele avec double ecriture en phenicien a fait office de pierre de Rosette. Beaucoup de scenes de chasse montrant la puissance du roi et des Dieux originaux qui interessent les enfants.

Au lieu de rouler direct, nous nous posons au bord du lac pour baignade et aire de jeux avant le repas du midi.

L'apres-midi nous roulons 2h30 jusqu'a Gaziantep. Les distances s'allongent dans l'Est de la Turquie... Je ne veux pas louper le musee des mosaiques de Zeugma, 15 euros, mais les autres attendent dans le Gecko.

Ces mosaiques splendides (ici la maison de Poseidon) ont ete sauvées des eaux lorsque l'Etat Turc a créé un barrage sur l'Euphrate en 2000 sans souci des sites historiques ainsi noyés.

Heureusement les archeologues se sont demenés pour sauver ce qu'ils pouvaient, en 5 ans seulement, moins de 10% de la ville a pu etre fouillée, et seules quelques maisons ont pu etre transportées au musee. Le site, occupé du 3eme siecle av JC au 2eme siecle ap JC avait ete tres bien conservé par les alluvions de l'Euphrate.

Dans une salle a part, dans le noir, avec un garde et de la musique douce, je decouvre la "gitane", qui est un peu comme la Joconde chez nous, un tresor national. Ce n'est pourtant qu'un petit morceau d'une mosaique qui a ete pillée, car c'etait la course entre les archeologues et les voleurs... Le musee continue de reclamer les morceaux qui manquent...

C'est le plus grand musee de mosaiques au monde, et si celles de Zeugma sont de loin les plus belles, il y a aussi des mosaiques paleo-chretiennes des alentours du 5eme siecle, provenant d'eglises de la region promises a la destruction. J'en ressors tout émerveillé.

Nous nous garons ensuite pres du centre-ville. Le chateau de Gaziantep, qui remonte aux Romains, se remet doucement des blessures du tremblement de terre de Fevrier 2023. Il est toujours fermé mais les murailles ont retrouvé leur allure d'antan.

Petit musee du hammam qui plait bien a Delphine.

Musee du 25 Decembre, consacré a la lutte pour l'independance, entre 1919 et 1922.

Un enorme panorama circulaire montre les combats heroiques des habitants de la ville contre les troupes Francaises pendant un siege destructeur de 10 mois.

Nous penetrons aussi dans quelques vieux caravanserails, du moins ceux epargnés par le tremblement de terre, et admirons les etals de pistaches, la specialité de la region.

Un kebab au menu ce soir, on n'en trouve pas qu'a Paris, les Turcs en sont aussi tres friands... La c'est la version luxe avec plein d'ingredients a melanger, et de l'agneau pour moi qui adore ca...

26 Juin, l'Euphrate

1 h de route seulement pour rejoindre le site de Zuegma au bord de l'Euphrate. Les enfants se tiennent a leur seance de devoirs quotidienne, en autonomie avec leur cahier. Non sans raler regulierement avant de s'y mettre et en menacant d'arreter d'en faire des qu'ils sont contrariés.

Sur le site de Zeugma il ne reste que 2 quartiers de maisons, celles de la colline, et quelques tombes. Une grande partie de la ville est sous les eaux du barrage et a priori completement detruite. Zeugma veut dire pont, un pont de bateaux permettait le passage du large fleuve Euphrate a cet endroit depuis Alexandre le Grand. La ou se trouve le bout de mur sur la photo c'etait le centre-ville avec une bibliotheque, une voie romaine et de grands batiments en partie fouillés mais aujourd'hui envahis par les ronces. C'est un peu triste...

Un quartier de maison a ete protégé par un toit, et un second est en chantier. Les mosaiques qui restent ne sont pas les plus belles mais c'est interessant de voir la ville de ses propres yeux. La aussi gros potentiel pour en degager plus dans le futur. Si la ville etait si riche c'est grace a la frontiere de l'empire Romain qui passait non loin. Une legion entiere stationnait ici et c'etait un point de passage obligé pour les marchandises.

1h30 de route supplementaire et nous sommes de l'autre cote de l'Euphrate pour prendre un bateau au port de Halfeti. La courte croisiere nous emmene sous les murailles de Hromgla, un site strategique pour controler le fleuve, avec une forteresse du temps de Romains. Elle tombe aux mains des croisés qui la vendent au chef supreme de l'eglise d'Armenie en 1151. Les Mamelouks d'Egypte reussissent a les en deloger apres un long siege en 1292. Elle est interessante car les murailles se confondent avec les falaises. Helas le bateau ne s'y arrete pas. Frustration...

L'objectif du bateau c'est une mosquee engloutie avec son minaret qui emerge des eaux. C'est vrai que c'est joli.

Cette petite ville a ete completement abandonnée lors de la montée des eaux, mais il reste des maisons en ruines que j'explore a l'aventure.

27 Juin, Edesse

1h30 de route encore et nous arrivons a Sanliurfa, l'ancienne Edesse, la ville sainte de la region. Nous y dormons sur le parking d'un supermaché. Pas glamour mais nous pouvons manger des pizzas et hamburger pour le plus grand bonheur des enfants. Le lendemain nous partons decouvrir la ville. Un grand bassin de 1211 ap JC contient des carpes sacrées. Il est entouré de mosquées plus recentes. C'est de la fenetre de l'une d'elles que, d'apres la legende, Abraham aurait ete jeté dans un bucher, mis a mort par le roi Nemrod pour avoir tenté de detruire les statues du temple. Dieu serait intervenu pour transformer les flammes en eau et les buches en carpes.

L'eau de la source est aussi sacrée du coup, et une mosquée est construite la ou elle surgit, avec un plancher de verre pour mieux voir l'eau et un robinet pour la gouter. Guerison garantie !

De grands jardins bien agreables entourent le bassin. Dans la cour d'une madrasa nous tombons sur une chatte avec ses petits. Extase pour les enfants qui se precipitent pour les caresser. Dur de les faire bouger apres ca...

De l'autre coté du jardin une grande mosquée garde l'acces a la grotte d'Abraham. C'est la qu'il aurait ete caché par sa mere pendant ses 7 premieres annees pour le soustraire a Nemrod qui voulait tuer tous les premiers nés suite a la prophetie d'un de ses voyants qu'un enfant detruirait sa religion.

La grotte a ete séparée en 2 sections : une pour les hommes et une pour les femmes. A l'interieur, voilée, Jade decouvre le Coran, un livre magique selon elle...

Au dessus du jardin de grandes murailles menacantes rappelent que la ville a ete tres disputée entre les Byzantins, les Omeyyades, les Armeniens, les croisés et les Turcs. Pendant une cinquantaine d'annee c'etait le comté d'Edesse avec a sa tete Josselin de Courtenay, un tres bon chevalier, dont le fils Josselin II n'aura pas les qualités...

En expulsant les habitants d'un bidonville en 2011 une necropole de 72 tombes rupestres a pu revoir le jour. Elle temoigne de la longue occupation du site depuis Seleucus 1er, un general d'Alexandre, qui nomma la ville Edesse en souvenir de l'Edesse de Macedoine que nous avons visitée en Grece. Vers -132 un chef de tribu locale gagne son independance et y fonde un royaume s'etendant jusqu'a Zeugma. Ce royaume durera 400 ans avec une dizaine de rois, jouant sur les alliances entre les Parthes et les Romains. C'est pendant cette periode que ces tombes furent construites.

Pour la premiere fois nous voyons des portes en pierre qui servaient a fermer les tombes. Classe !

Belle surprise pour les enfants : il reste des squelettes !

Certaines tombes etaient mieux decorees que la moyenne. Notez les tritons pres du plafond !

Juste en face une villa Romaine a ete decouverte lors de travaux et un enorme dome a ete tendu par dessus pour preserver les mosaiques. Il n'a ouvert qu'en 2015. C'est plutot sympa de deambuler au dessus des pieces de la villa en admirant son decor, dans un style unique a la region.

La plus belle mosaique montre des amazones en chasse.

Le musee a pu recuperer une mosaique d'Orphee charmant les animaux avec sa lyre grace aux ecritures Syriaques dessus, specifique a la region, et a un film du pillage que les voleurs ont oublié derriere eux. La mosaique s'etait retrouvée dans une vente aux encheres et avait ete achetée par le musee de Dallas. A l'epoque elle devait orner une des tombes du bidon-ville... Quelques mosaiques paleo-chretiennes tres anciennes, du 4eme siecle, completent la visite.

Prochaine etape : le musee archeologique. C'est un batiment enorme !

Nous y sommes accueillis par l'homme d'Urfa, une statue vieille de 11000 ans avec des yeux d'obsidienne trouvée dans la ville. 11 000 ans ! Non seulement c'est une des plus vieilles statues au monde, mais en plus elle est plutot belle...

Mais c'est Gobekli Tepe qui a fourni le plus de materiel. Sur ce site incroyable, vieux de 12 000 ans, une quinzaine de temples ont ete enterrés. Ils font entre 10 et 30 metres de diametre avec une dizaine de piliers en forme de T, souvent sculptés avec des animaux ou des humains. Ces piliers sont reliés par des murs et des banquettes. Au centre 2 grands piliers tenaient un toit. Une reproduction au musee permet de rentrer dans le plus grand pour admirer les sculptures sur les piliers. Ca devient un peu dur de tenir les enfants cependant... Ils nous font un peu honte a courir partout et a faire du bruit... Au secours, qu'avons nous loupé dans leur education ?

Une autre statue humaine clairement masculine... Jade s'enfuit pour ne pas avoir a la regarder...

Des totems ont ete retrouvés qui peuvent faire pencher vers une utilisation chamanique de l'endroit.

Dernier venu au musee, trouvé en 2023, ce sanglier avec des traces de pigments rouges, blancs et noirs, ce qui en fait la plus ancienne statue peinte du monde... Beaucoup de tresors dans ce musee, pour la plupart remontant a des milliers d'annees avant les pyramides et les dolmens, ce qui est assez incroyable...

En dehors des musees la ville ressemble a une ville Arabe, écrasée de chaleur, avec des maisons a toit plat. Nous y mangeons un kebab pas cher du tout avant de reprendre la route pour Harran plus au Sud.

Harran est bien proche de la Syrie et ses enfants sont connus pour etre un peu agressifs, nous sommes un tout petit peu inquiet, mais tout va bien se passer, a part quelques coups sur le Gecko pendant mon absence. Nous nous arretons visiter une de ces maisons typiques en pisé, en forme de ruche, jolies et originales. Des maisons similaires existaient sous les Assyriens, car l'histoire de Harran remonte tres loin en arriere, elle etait une ville tres importante, au carrefour de 2 voies commerciales, en 2000 av JC sous les Mesopotamiens qui y construisirent un temple de la lune. En -1305 ce sont les Assyriens qui s'y installent. Des propheties qui se realiserent au temple de la lune lui donnerent un eclat qui mettra tres longtemps a disparaitre, comme pour l'oracle de Delphes en Grece. Elle devint meme la derniere capitale de l'etat Neo-Assyrien jusqu'a sa prise apres un long siege par les neo-Babyloniens en -609. Le dernier roi neo-Babylonien venait de Harran et lui rendit son eclat avant de se faire battre par les Perses en -539.

L'interieur des maisons est toujours frais, meme sous la chaleur, mais il faut refaire les murs tous les 2-3 ans, ce qui en fait des maisons de nomades, un peu semblables a des tentes.

La ville d'Harran est entourée par une muraille de 4,5 kilometres de long avec des centaines de tours, qui existe encore meme si elle est en mauvais etat. Le point le plus fort de cette defense c'est l'enorme chateau-palais, de 150 pieces sur 3 etages. Comme la muraille, on ignore tout de son origine exacte. Il pourrait avoir ete construit sur les ruines du temple de la lune qui est resté en service tres longtemps. Alors qu'Edesse devenait tres tot Chretienne, sa voisine Harran etait un bastion du paganisme. Il faudra attendre les musulmans qui y construisirent une enorme mosquee pour que le culte de la lune perde ses adeptes. Le chateau est en cours de reconstruction et je le visite donc en mode furtif, tout seul. De l'exterieur c'est une enorme masse de pierres avec des grandes tours rondes a noyeau creux sur les 4 cotés. Sa forme finale doit venir des Turcs. En tout cas il ne joua aucun role dans la terrible bataille de Carrhes qui se deroula a quelques kilometres de la ville et ou les Romains menés par Crassus tentant de conquerir l'empire des Parthes perdront des dizaines de milliers de legionnaires face aux archers montés a cheval qui les harcelerent sans repit. C'etait le 9 Juin 53 av JC, une defaite terriblement humiliante pour les Romains...

Je penetre dans le chateau par les souterrains, sombres et etroits, en me glissant par le trou avec les barres dans le plafond. Aventure...

D'enormes salles subsistent sur 3 etages, avec souvent un trou dans le sol, qui justifie qu'il ne soit pas encore ouvert au public... Ce chateau est immense et fascinant, un tresor, et tout seul dans ces pieces geantes sorties du temps je suis aux anges. J'y croise meme par 2 fois un chacal timide...

Apres Harran nous remontons au Nord jusqu'a la colline de Gobekli Tepe, et il nous reste un peu de temps pour visiter le site avec les enfants. C'est tres cher : 20€ par personne...

Les principaux temples se trouvent sous un dome en toile pour les proteger, et nous ne pouvons qu'en faire le tour d'assez loin. Difficile de distinguer les sculptures sur les piliers en T. Pas evident non plus de comprendre le site avec tous ses murets de pierre. Il a ete occupé pendant 2000 ans, pendant lesquels les temples ont ete enfouis volontairement sur 5 metres de hauteur, probablement suite a des glissements de terrain et inondations, les protegeant ainsi pour les generations futures.

Un petit dessin aide a mieux comprendre le site qui est d'une importance extreme, aucun temple aussi ancien n'existe dans le monde. Il semblerait qu'a l'epoque les batiments etaient plutot accessibles par un trou dans le toit. Peut-etre pour mieux se proteger des betes ? Et oui tout un village existe autour des temples, qui est toujours plus ou moins en cours de fouilles.

Petit zoom sur un des plus beaux piliers, a gauche, avec des oiseaux et des sangliers. Belle sculpture en relief de crocodile vers le milieu egalement. Notez comme le temple a ete retreci avec le temps. Le pilier des oiseaux appartient a une epoque plus tardive que le pilier du croco.

Apres l'emerveillement de la visite de ce site nous dormons juste au pied de la colline, dans une belle ambiance de desert, avec un magnifique coucher de soleil.

28 Juin, karahantepe et Dara

Geobekli Tepe n'est pas un cas unique dans la region, 35 sites de la meme epoque ont ete decouverts jusqu'a maintenant. Ce matin nous roulons jusqu'a Karahantepe qui est toujours en cours de fouilles et gratuit. Une strucutre etonnante sur ce site c'est cette piece taillée dans le rocher au premier plan avec une tete d'homme sortant du mur et une dizaine de piliers. On y descendait par une etroite ouverture, et on pouvait sortir de l'autre coté. Cette porte laisse passer un rayon de lumiere au solstice d'hiver qui tombe sur la tete. Ce n'est sans doute pas un hasard...

Autre decouverte exceptionnelle faite en 2024 : une statue d'homme de 2,30m de haut qui tient son penis entre ses mains. Quelle chance qu'elle soit restée sur place et pas envoyée au musée...

Tout autour des temples principaux les archeologues degagent des structures plus petites, pas faciles a lire, des habitations en grande partie, ou des temples carrés, plus recents. Il reste encore beaucoup a decouvrir...

Petite ballade au sommet de la colline ou se trouvent de tres nombreuses coupelles taillées dans la roche pour un usage encore mysterieux. C'est le desert ici, un paysage de collines arides a perte de vue. C'etait sans doute different il y a 10 000 ans...

Notre route continue vers l'Est apres Karahantepe, tres proche de la frontiere Syrienne, a travers des villages bien isolés...

Apres les pizzas, a midi, c'est notre seconde visite de la journee, pour la ville Romaine tardive de Dara. C'etait une forteresse marquant la frontiere entre l'empire Byzantin et l'empire Perse Sassanide. Elle fut aprement disputée pendant 130 ans, de 505 a 639. Ce sont les soldats Romains qui ont creusé cette vaste necropole dans les carrieres de la ville pour leurs camarades tombés au combat.

Une des tombes est mieux decorée que les autres, et plus grande.

C'est une tombe-temple collective avec 3 niveaux et des ossements encore visibles au niveau le plus bas. Sympa...

Autre monument interessant : une enorme citerne souterraine. L'eau etait la clef en cas de siege, et Dara n'en manquait pas... Les ruines des murailles sont egalement interessantes, mais beaucoup reste a fouiller et le village moderne occupe la place des ruines...

Apres Dara nous nous eloignons de la frontiere pour rejoindre Mardin. L'essentiel de la ville a ete construit apres sa conquete par les Arabes en 640, les Turcs en 1085 et les Ottomans en 1516. Nous nous posons au camping en bas du centre-ville, pas folichon mais c'est la seule option possible. Au moins la vue sur la ville y est belle...

Une petite visite pour le soir avec la medersa de Kasimiye, un peu excentrée. Elle date de 1445 et c'etait la plus riche de la ville. Dans la cour interieure une fontaine symbolise la naissance la ou l'eau jaillit, le caniveau etroit par lequel elle s'ecoule c'est la vie tandis que le bassin ou l'eau tombe c'est la mort. La medersa contient 23 salles de classes, avec une porte d'un metre de haut seulement pour que les eleves se baissent en signe de respect pour le maitre quand ils entrent. Quelques classes contiennent des maquettes des machines a remonter l'eau de Al-Jazari, un ingenieur de 1206.

29 Juin, Mardin et Midyad

Le Gecko reste au camping ce matin pendant que nous montons a pied les innombrables escaliers qui nous rapprochent du centre-ville de Mardin. Beaucoup de beaux batiments dominés par la dentelle de pierre des mosquées.

Le marché devant le beau minaret de la grande mosquée.

La medersa Sehidiye, construite au XIIIeme, mais comme les autres batiments de la ville souvent reparée, voir reconstruite, comme le minaret qui date de 1917.

Tres beau panorama depuis la medresa Zinciriye, commencée en 1385.

Un artiste montre aux enfants comment faire une fleur avec de la peinture dans de l'eau.

La ville nous aura beaucoup plus, tres authentique tout en etant touristique mais sans que ce soit trop visible. En redescendant vers le Gecko, nous croisons ce vendeur de thé ambulant. Les Turcs aiment beaucoup le thé, il est possible d'en acheter ou de s'en faire offrir partout.

Apres Mardin nous roulons plein Est vers Midyad. En chemin nous nous arretons au monastere de Mor Loozor, une ruine en acces libre, datant du 5eme ou 6eme siecle. C'est le seul monastere qui conserve une tour de retraite en son milieu, ou un moine pouvait rester au sommet de la colonne, des annees parfois, en contact direct avec Dieu. Jade y est montée mais elle n'est pas restée...

Les batiments du monastere encore debouts sont plutot sympas et ils cachent un souterrain avec des pieces pour se cacher sous terre en cas de danger, comme en Cappadoce.

A coté du monastere une grosse meule pour le grain qui pourrait bien etre encore utilisée...

Il faut dire que le village a coté ne fait pas riche, mais il a beaucoup de charme.

Nous arrivons ensuite a Midyat, une ville qui existait deja au temps des Assyriens en -800 et qui est devenue recemment celebre en Turquie comme lieu de tournage d'une serie a succes. Il faut dire qu'il y reste de belles maisons en pierre blonde, vieilles de plus de cent ans. Nous en visitons une a l'Ouest de la ville.

Les interieurs font bien Turcs mais avec une touche de confort moderne. Il est temps de parler du genocide des Armeniens, et des Assyriens aussi d'ailleurs, qui depeupla beaucoup de ces belles maisons pendant la premiere guerre mondiale. Durant cette guerre les Turcs preparerent leur independance et ils craignaient les minorités Chretiennes qui furent vues comme des traitres potentiels et une menace pour l'unité du pays. Beaucoup d'entre eux furent chassés de chez eux dans des marches de la mort impitoyables, reduisant grandement leur population. On parle de millions de morts. L'Etat Turc refuse toujours de le reconnaitre. Les alliés ont aussi leur part de responsabilité : en preparant le traité de Sevres en 1920 qui donnait une grande partie de la Turquie Ottomane aux Armeniens et a la Grece ils ont provoqué un sursaut nationaliste autour de Mustafa Kemal...

Les tres nombreux souterrains de Midyat, transformés en caves confortables, n'auront pas suffi a proteger les Assyriens.

En 2024 des dizaines de salles et de couloirs ont ete decouverts sous la vieille ville de Midyat et commencent a etre degagés. C'est la plus grande ville souterraine de Turquie, plus grande que celles de Cappadoce. Nous n'en explorons qu'un petit bout...

Dans un grand parking au centre-ville nous nous refugions a l'ombre pour la fin de l'apres-midi. Il fait tres chaud... La nuit sera difficile. Nous ne ressortons que quand le soir tombe. Les vieilles rues desertes offrent alors une belle ambiance.

Un quartier est cependant bien plus animé : celui des maisons utilisées pour la serie, avec de tres belles terrasses.

Ambiance tres romantique dans cette ville, nous adorons.

Et nous nous laissons meme tenter par un resto.

30 Juin, Hasankeyf et le Tigre

Il y a beaucoup de monasteres autour de Midyat, ce matin nous visitons celui de Mor Gabriel, le plus grand, et peut-etre le plus ancien...

L'eglise est tres sobre, avec de grandes salles, qui, au moyen-age, accueillaient des centaines de moines.

Nous pouvons toucher la terre des deux tombes des fondateurs : Samuel et Simeon, morts depuis 1600 ans.

Nous nous arretons pour manger a midi dans un petit village pas du tout touristique ou se trouve le monastere de Mor Yakub. Lui aussi est tres ancien, fondé en 421, eglise reconstruite en 753, mais le clocher et les maisons d'hotes sont modernes. Comme a Mor Gabriel la belle pierre blonde et le calme de la vallée incitent a la meditation.

Un peu plus au Nord nous arrivons sur les rives du Tigre. Le Tigre et l'Eurphrate, les deux fleuves encadrant le croissant fertile ou la civilisation est née... Ici aussi le gouvernement Turc a fait un barrage qui a enfoui en 2020 des merveilles archeologiques, a commencer par la ville d'Hasankeyf qui se trouvait pres des falaises au fond de cette photo. Falaises qui recelent toujours des milliers de tombes.

Quelques mosquees vieilles de plus de 600 ans ont ete bougées sur l'autre rive, mais elles sont pour le moment inaccessibles.

Un musee moderne a ete créé avec le resultat des fouilles de sauvetage dans la vallée inondée. Plusieurs villes ont ete trouvées (et perdues) qui sont aussi vieilles que Gobekli Tepe. Les objets dans la vitrine ont plus de 10000 ans !

Quelques tombes tres anciennes ont ete reconstituées.

De nombreux colliers de perles temoignent de la richesse de cette epoque, et du patrimoine perdu...

Un tombeau qui n'a pas ete perdu c'est celui de Zeynel Bey, du XVeme siecle, recouvert de ceramiques vernissées, mais lui aussi pas encore ouvert aux visites, seule sa maquette au musee est visible.

Nous longeons le lac un moment, l'ancien lit du Tigre, avant de virer au Nord-Est, direction le lac de Van, ou nous arreterons notre voyage vers l'Est...

Petit arret au tombeau de Veysel Karani, mort en 657. Le prophete Mahomet lui avait envoyé son cardigan en cadeau car il avait renoncé a le voir pour prendre soin de sa vieille mere. Une nouvelle mosquee plus grande est en construction car beaucoup de monde s'arrete pour lui rendre hommage.

Nous roulons encore un peu, bonne autoroute, qui monte... Le lac de Van est a 1640 metres d'altitude. La route est longue, alors nous stoppons au bord de l'autoroute, pres d'un controle de policiers, dans un petit parc a l'abandon. A minuit des coups sur la porte. Delphine me reveille en panique. Ce sont les policiers qui insistent pour nous deplacer plus pres d'eux. Ouf, ils nous ont fait peur...